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Gestion des calamités agricoles : sortir des faux semblants

S’il n’est pas rare d’observer des températures minimales négatives jusqu’aux fameux Saints de glace du début de mois de mai, un épisode de gel printanier aussi violent et généralisé que celui qui a touché la semaine dernière l’agriculture française semble tout à fait inédit. Partout la même désolation : fleurs, bourgeons et jeunes pousses sont réduits à néant comme les espoirs de récolte.

 

Si la gravité de la situation dans plusieurs régions nécessite de venir en aide à court terme aux producteurs par les différents mécanismes d’allègement de charge et de prêts garantis par l’Etat, cette nouvelle crise appelle également une évolution en profondeur de la gestion des calamités agricoles.

Annonçant l’activation du régime des calamités agricoles, le gouvernement a voulu montrer qu’il prenait la mesure d’une situation qui demande sans aucun doute de mobiliser la solidarité nationale. Mais, notre système de gestion des risques en agriculture connaît d’importantes carences car le développement des assurances privées est promu depuis au moins deux décennies comme le moyen d’opérer, là aussi, le retrait de l’intervention publique.

Il faut en effet rappeler que les cultures pour lesquelles une offre d’assurance privée existe ne peuvent pas bénéficier de la solidarité nationale, c’est le cas notamment de la viticulture. C’est absurde et inefficace : il conviendrait au contraire d’organiser la complémentarité des approches, comme c’est le cas par exemple aux Etats-Unis où les pertes au-delà de 50% de récolte sont prises en charge par la collectivité, laissant les aléas de moindre ampleur gérés par des partenariats équilibrés entre assureurs privés et l’administration fédérale.

Il conviendrait également de s’inspirer de l’Espagne qui a, depuis la fin des années 1970, mis en place un système de gestion des risques climatiques tout à fait pertinent dans lequel les pouvoirs publics ont toute leur place au même titre que les compagnies d’assurance privés.

Parce que le dérèglement climatique est certain et qu’il menace notre sécurité alimentaire, il est temps de sortir des faux semblants. Les moyens humains dans les services de l’Etat ont été réduits à peau de chagrin alors qu’une politique efficace de mutualisation des risques climatiques nécessite des compétences appropriées. Rendre obligatoire l’assurance climatique présenterait également le mérite de disposer d’une large base pour assurer la mutualisation et conduirait au contrôle des marges que pratiquent les assureurs. Ainsi le coût des assurances deviendrait plus accessible pour tous.

Les règles de subventionnement des outils de gestion des risques devraient aussi être revues. Le faible développement des fonds de mutualisation finançable par la Politique Agricole Commune s’explique principalement par le fait qu’ils doivent être du seul ressort des agriculteurs et de leurs organisations, excluant les possibilités pour la puissance publique d’oeuvrer à des articulations vertueuses avec les mécanismes relevant de la solidarité nationale.

Il est indispensable de sortir de l’approximation en matière de risque en agriculture. Si les risques climatiques sont en partie mutualisables, ce n’est pas le cas des risques sanitaires et encore moins des risques dérivant de la volatilité des marchés agricoles, car ce sont des risques systémiques qui touchent l’ensemble d’une filière en même temps. C’est en particulier le cas de l’Arlésienne des assurances sur le revenu agricolequ’il est vain de continuer d’espérer.

La crise du Covid et le premier confinement ont montré la fragilité de notre système alimentaire, nous devons collectivement, depuis chaque territoire et jusqu’au niveau européen, en reprendre le contrôle au nom de notre souveraineté alimentaire. Face à ces enjeux cruciaux, les discours réduisant la gestion des risques en agriculture à la création de nouveaux marchés lucratifs pour l’assurance et la finance sont d’autant plus insoutenables qu’ils ne s’appuient sur aucune réussite concrète mais seulement sur la croyance néolibérale en la supériorité du jeu des marchés.

 

Eric Andrieu, député européen PS

Dominique Potier, député Assemblée Nationale

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