Une nouvelle saison a été annoncée dans la série glyphosate. Le vote du 27 novembre par lequel les 28 Etats-membres ont approuvé, à la majorité qualifiée, la réautorisation pour cinq ans de l’herbicide glyphosate, en a mécontenté plus d’un. Notamment après le cafouillage allemand qui a vu le ministre de l’Agriculture CDU décider tout seul d’approuver le renouvellement, contre l’avis de son gouvernement.

Le groupe social-démocrate au Parlement européen se mobilise, jeudi, pour faire avancer un recours en annulation devant la Cour de justice européenne. A partir de la publication dans le Journal officiel européen du renouvellement pour cinq ans, prévue le 12 décembre, les recours sont possibles dans un délai de deux mois et 24 jours.

 Violation des traités

Les sociaux démocrates s’appuyent sur une analyse juridique, publiée jeudi, par le juriste belge Olivier de Schutter, professeur de droit international à l’université catholique de Louvain. Selon lui, le vote du 27 novembre constitue une violation de la réglementation européenne 1107/2009 sur l’autorisation des pesticides.  Il avance deux raisons: cette réglementation prévoit que les produits peuvent être autorisés seulement s’ils n’ont «aucun effet négatif» sur la santé humaine et l’environnement. Or, le glyphosate a été classé comme «cancérigène probable» pour l’homme et «cancérigène» pour les animaux, par l’Organisation mondiale de la santé en 2015. Les agences européennes sur la sécurité des aliments (EFSA) et des produits chimiques (ECHA) ne reconnaissent pas ces dangers. «Si des doutes existent, ils auraient dû conduire à un refus du renouvellement de l’autorisation, comme le prévoit le principe de précaution», poursuit le juriste.

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Raison n°2 invoquée: les pesticides autorisés doivent «contribuer au bon fonctionnement du marché interne européen». Or, De Schutter assure que cette condition n’est pas remplie car le glyphosate a des effets néfastes sur l’environnement, sur les animaux et peut s’avérer dangereux pour les utilisateurs non-professionnels. «Le Parlement européen [qui a demandé une interdiction sur cinq ans, ndlr] et les neuf Etats-membres qui ont voté contre la proposition de la Commission européenne sont appelés à engager une action pour l’annulation de l’application du renouvellement», conclut le juriste.

«Cette étude nous confirme que la décision des 28 de renouveler le glyphosate pour cinq années supplémentaires ne respecte pas le principe de précaution !», ont déclaré les eurodéputés socialistes Eric Andrieu et Marc Tarabella, qui demandent aussi un recours en justice.

Une réforme en cours

Pour que le Parlement européen prenne la décision de saisir la Cour de justice européenne, la demande doit être approuvée par la Commission des affaires juridiques que s’apprête à saisir le groupe des sociaux-démocrates. Ensuite, pas besoin de vote en session plénière. Il suffit que le président du Parlement, Antonio Tajani, approuve la décision de la Commission et saisisse la Cour. Autre possibilité: un Etat-membre peut demander lui-même une annulation devant la Cour. Pour l’instant, ni la France, ni les huit autres Etats opposés au vote (Belgique, Hongrie, Italie, Chypre, Malte, Luxembourg, Autriche, Croatie) n’ont manifesté de volonté de le faire. Pourtant Emmanuel Macron a annoncé que le gouvernement interdirait l’herbicide «au plus tard dans trois ans» dans le pays.

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En parallèle, plusieurs ONG ont annoncé déposer plainte, le 4 décembre, en Autriche, en France, en Italie et en Allemagne, contre les agences réglementaires européennes responsables de l’évaluation de la toxicité du glyphosate, soit l’EFSA, l’ECHA et le bureau d’évaluation allemand Bfr. Bureau à l’origine du rapport initial en faveur de l’herbicide, en grande partie copié-collé d’une étude de Monsanto, comme l’a montré l’ONG autrichienne Global 2000. Le produit phare de la firme américaine, le Round up, contient justement du glyphosate.

Toutes les polémiques autour des dysfonctionnements et de l’opacité des processus d’autorisation européens des pesticides pourraient en tout cas déboucher sur des réformes. Au printemps 2018, la Commission devrait faire une proposition législative pour revoir le règlement européen sur la législation alimentaire. Cela pourrait comprendre des éléments sur l’indépendance et la transparence des études prises en compte par les agences -elles restent inconnues du public- et le recrutement des scientifiques par les agences européennes. En effet, plusieurs cas de conflits d’intérêts majeurs ont été dénoncés par l’ONG Corporate europe observatory.