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« Bataille du glyphosate: Vers l’émergence d’une agriculture durable »

Retrouvez ma tribune publiée dans le Journal Médiapart :

 

« Black Monday ». Malgré les Monsanto papers, l’avertissement de l’OMS, malgré l’engagement de centaines de milliers d’hommes et de femmes à travers l’Europe, malgré la demande de notre Parlement européen d’une sortie en 5 ans et d’une stricte application du principe de précaution, le glyphosate a été reconduit pour cinq années supplémentaires. Pour la santé humaine, l’environnement et le projet européen on repassera.

La tentation est grande de ne pas voir, à travers ce vote des 28, la victoire d’un lobbying asymétrique, de la financiarisation de l’économie, des partisans d’une agriculture intensive révolue et la défaite d’une certaine idée que l’on pouvait se faire de la Commission européenne, censée être garante de l’intérêt général européen et non porte-parole des intérêts des géants de l’industrie agrochimique.

Mais l’essentiel n’est pas là. Si elle a mis en évidence de nombreuses failles dans le processus d’autorisation des pesticides en Europe, « la bataille du glyphosate » a eu d’autres mérites qu’il serait regrettable d’éloigner d’un revers de bras. En premier lieu, elle est venue nous rappeler la vitalité de notre démocratie européenne, à travers l’initiative citoyenne européenne Stop Glyphosate bien-sûr, mais aussi avec le formidable travail d’investigations menés pendant des mois par de nombreux journalistes d’investigations européens.

Elle aura, ensuite et surtout, permis de conscientiser l’enjeu alimentaire et de redonner sa juste place à la question agricole au cœur de notre projet de société. L’idée selon laquelle notre modèle agricole, fondé sur des intrants intensifs et dépendant de l’industrialisation toujours plus poussée de l’agriculture a atteint ses limites, fait désormais consensus.

En 2050, nous serons 9 milliards d’individus sur terre. L’objectif principal de l’agriculture devrait être de nourrir la population, tout en préservant la santé humaine, les écosystèmes de la planète et la vitalité des zones rurales. L’interdiction des produits potentiellement dangereux pour la santé et l’environnement, le développement de la recherche pour remplacer progressivement les pesticides par des solutions alternatives ne sont pas des sujets mineurs.

Les experts sont unanimes. La terre, notre terre, ne peut plus accumuler nos excès. La liste des catastrophes « naturelles » s’allonge d’années en années, avec des intensités jamais rencontrées jusqu’alors.

Nous avons besoin d’un changement radical, d’une révolution des mentalités, pour redonner à l’agriculture sa vocation première : celle de réguler les liens entre l’être humain et la nature. L’heure n’est plus à la comptabilité des aides à la PAC, même si celle-ci est nécessaire, mais bien à la remise en cause de notre modèle agricole qui sert de moins en moins – c’est un paradoxe – la majorité des agriculteurs.

Les citoyens nous demandent légitimement de lier plus étroitement nos politiques à la qualité des aliments, la santé humaine, la lutte contre le changement climatique, la protection de notre environnement, le bien-être animal et la sauvegarde des emplois dans l’agriculture et les zones rurales. Il nous appartient d’écouter les agriculteurs et de leur donner les moyens de s’impliquer dans ces changements.

L’agriculture nécessite une approche audacieuse et novatrice ! C’est d’une révolution de notre politique agricole européenne dont nous avons besoin, et ce dès à présent, et non d’un statu quo jusqu’en 2025 comme le demande la droite européenne.

La Commission européenne s’apprête à présenter mercredi 29 novembre sa Communication sur « Le futur de l’alimentation et de l’agriculture » dans laquelle elle dresse ses grandes lignes d’orientation pour la future Politique Agricole Commune (PAC), avant une réforme prévue pour juin prochain. Gageons qu’elle tienne compte dans ses propositions de ces nouvelles aspirations citoyennes et qu’elle ne fasse pas comme si la bataille du glyphosate n’avait jamais eu lieu !

 

Eric Andrieu

Eurodéputé

Porte-parole des sociaux-démocrates européens à l’Agriculture

 

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