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Evaluation du glyphosate : Les agences affirment appliquer la législation européenne

En plein scandale des « Monsanto papers », les agences Efsa et Echa, auditionnées par les députés européens, défendent leur évaluation des risques liés à l’herbicide glyphosate, « conforme » à la procédure de l’UE.

Les députés des commissions de l’agriculture et de l’environnement du Parlement européen ont organisé, le 11 octobre, une audition publique sur la manière dont les risques d’utilisation du glyphosate sont évalués par les experts scientifiques. Cet herbicide, substance active du Roundup de Monsanto, fait l’objet d’études scientifiques contradictoires sur son rôle dans l’apparition de cancers. En mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) l’a classé comme probablement cancérigène pour l’Homme. Un avis que ne partagent ni l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) ni l’Agence européenne des produits chimiques (Echa).

Les agences sous influence ?

Il y a eu des preuves limitées de cancer chez l’homme, des preuves suffisantes de cancer sur les animaux et de fortes preuves de mécanismes dont on sait qu’ils peuvent être cancérigènes 
Dr Kate Guyton, Circ

Le renouvellement de l’autorisation de commercialisation du glyphosate pour 10 ans pourrait être voté le 23 octobre prochain lors d’un comité d’experts représentant les Etats membres. Ce vote intervient alors que deux toxicologues, présents à l’audition, ont accusé les deux agences européennes de sous-estimer les études démontrant des cas de cancers sur des rongeurs. « La moitié des tumeurs ont été négligées dans les travaux des agences! », a souligné le Professeur Portier. Le Circ, en revanche, avait estimé que deux études indiquaient des effets cancérogènes statistiquement significatifs. Concernant les études sur les souris, le Circ a identifié une tendance cancérogène positive dans deux études qui ont été considérées comme « non significatives par les experts de l’UE ». « Il y a eu des preuves limitées de cancer chez l’homme, des preuves suffisantes de cancer sur les animaux et de fortes preuves de mécanismes dont on sait qu’ils peuvent être cancérigènes », a déclaré le Dr Kate Guyton du Circ.

Le scandale des « Monsanto papers », révélé en mars 2017, continue également de défrayer la chronique dans la presse. La déclassification de documents internes de Monsanto dans le cadre d’un procès aux Etats Unis – initié par des personnes atteintes d’un cancer du sang qu’elles attribuent à leur exposition au glyphosate – prouverait que la firme à influencer le processus d’évaluation scientifique des agences aux Etats-Unis et en Europe.

Cette évaluation étant basée sur les données de l’industriel, Monsanto se serait attaché les services d’universitaires pour réaliser les recherches prouvant la non-dangerosité du désherbant et fait pression sur des fonctionnaires pour faire annuler une étude sur les effets mutagènes potentiels du glyphosate. Selon le quotidien Le Monde, la firme aurait aussi fait paraître des articles coécrits par ses employés et signés par des scientifiques, rémunérés par l’industriel, pour contrer les informations dénonçant la toxicité du glyphosate. Monsanto a refusé de venir s’expliquer à l’audition publique au grand dam des eurodéputés. La multinationale a justifié son absence par « la crainte de voir son intégrité remise en cause, allant même jusqu’à accuser le Parlement européen de populisme dans sa volonté de faire toute la lumière dans ces dossiers où la santé du citoyen est en jeu », ont déploré les eurodéputés socio-démocrates Marc Tarabella et Eric Andrieu, à l’origine de cette audition.

Une procédure transparente…

José Tarazona, chef de l’unité « Pesticides » à l’Efsa, a réaffirmé devant les députés, que les allégations qui découlent des « Monsanto papers », « ne remettent pas en cause les conclusions de l’évaluation globale sur le glyphosate (…) qui peut être utilisé de façon sûre ». Il a rappelé que plusieurs agences internationales, à l’instar du Japon et du Canada et de la Nouvelle-Zélande, ont conclu, comme l’Efsa et l’Echa, « qu’il n’est pas nécessaire de classer le glyphosate comme cancérogène. » José Tarazona a défendu le rapport de l’Efsa, accusé en septembre dernier d’être un « copier-coller » d’un document déposé en 2012 par Monsanto au nom de la Glyphosate task force, consortium industriel conduit par la firme. Le document plagié proviendrait du rapport d’évaluation soumis à l’Efsa par l’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques (BfR) qui a refusé aussi d’être auditionné.

Conformément au cadre réglementaire européen d’évaluation des pesticides, l’Allemagne a été désignée Etat rapporteur pour établir le rapport d’expertise préliminaire du glyphosate. Le point de départ de toute évaluation des risques est un dossier constitué par l’entreprise qui sollicite la mise sur le marché d’une substance active. Le directeur exécutif de l’Efsa a justifié qu’il était « normal et nécessaire que certaines parties du dossier soumis par la compagnie apparaissent dans certaines parties du projet de rapport d’évaluation préparé par l’Etat membre rapporteur ». L’Efsa assure que les références copiées ne sont que des extraits d’études « disponibles » et que le processus réglementaire d’évaluation du glyphosate par l’UE a « été strictement respecté ». Le dossier, soumis par l’entreprise aux autorités réglementaires, contient des « études de sécurité obligatoires, financées par l’entreprise, ainsi que des publications évaluées par des pairs en coopération avec les Etats membres de l’UE « , a ajouté José Tarazona.

…et évaluée par des pairs

En 2015, l’Efsa a organisé une procédure d’examen par des experts spécialistes du domaine qui, conjointement aux scientifiques de l’Efsa, a fait intervenir « plus de 70 experts issus d’organismes publics » (agences de protection de l’environnement, agences de sécurité alimentaire, agences sur la sécurité chimique notamment) « désignés dans les 28 Etats membres de l’UE et la Norvège ». Ces experts ont « vérifié les données brutes et confirmé que l’évaluation réalisée par l’Allemagne était bonne« , affirme José Tarazona, en soulignant l’« indépendance » des experts et « la transparence du processus« .

Tim Bowmer, président du Comité d’évaluation des risques de l’Echa, a aussi défendu les conclusions de son rapport et l’indépendance des experts l’ayant élaboré. Les membres de l’Echa « ne sont pas employés par les industriels ». Le rapport a suivi « les lignes directrices de l’OCDE. Concernant les rats, il n’ y a pas de démonstration de preuves sur les taux de tumeurs et concernant les souris, les études ne sont pas suffisamment fortes pour classifier la substance active du glyphosate cancérogène pour l’homme ».

« Une commission d’enquête indispensable »

L’Efsa et l’Echa ne peuvent pas « s’auto-mandater« , ont précisé M. Bowmer et M. Tarazona. C’est la Commission européenne qui leur donne mandat pour conduire l’évaluation des données disponibles. L’Echa ne prévoit pas une nouvelle étude sur le glyphosate. L’Efsa révisera quant à elle les limites maximales en résidus pour le glyphosate dans les aliments avant la fin de l’année.

A l’issue de cette audition, Marc Tarabella et Eric Andrieu appellent à créer une commission d’enquête au Parlement pour « lever les nombreuses zones d’ombre qui subsistent encore sur les responsabilités de l’entreprise Monsanto, des agences de contrôle ou encore de certaines institutions ». En juin 2017, les députés européens écologistes ont déjà saisi la Cour de justice de l’Union européenne pour accéder aux études, transmises par les industriels à l’Efsa.

 

Source : Actu environnement

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