Dix eurodéputés sociaux-démocrates (tous membres de la Commission AGRI du Parlement européen) réagissent à la position adoptée le 4 septembre par la droite européenne qui prône un statu quo de la Politique agricole commune actuelle jusqu’en 2025. Ils rappellent que : « la PAC actuelle ne satisfait ni les agriculteurs, ni les organisations environnementales, ni les consommateurs-contribuables ! A l’instar du projet européen, la Politique agricole commune peut et doit être réformée. »
Elle ne doit pas être abandonnée à elle-même ! C’est pourtant la position adoptée le 4 septembre dernier par la droite européenne qui recommande un statu quo de la Politique agricole commune actuelle jusqu’en 2025. Pas mieux du côté de la Commission européenne, qui dans sa proposition sur la future PAC, qu’elle présentera fin novembre, devrait se limiter à l’amélioration du fonctionnement des outils existants. Du côté des 27, « On ne peut pas révolutionner la PAC mais uniquement la faire évoluer », a lâché un ministre lors du dernier Conseil de l’Agriculture, résumant ainsi la position défensive dans laquelle se trouvent les États membres de l’Union.
Ces positions sont totalement irresponsables ! Elles sont caractéristiques d’un manque de vision, et entérinent un système à bout de souffle qui étrangle nos agriculteurs.
Elles font fi du contexte climatique et environnemental qui nous oblige à procéder à un rapide changement de modèle de développement agricole. Ouragans, sécheresses, feux de forêts, inondations, gels : la liste des catastrophes « naturelles » s’allonge d’années en années, avec des intensités jamais rencontrées jusqu’alors. Face à la multiplication de ces aléas climatiques, dont les agriculteurs sont les premières victimes, on ne peut se limiter à une simple modification à minima des règles de verdissement et, des outils de gestion des risques. Le rôle de la prochaine PAC ne sera pas de gérer les conséquences dramatiques du dérèglement climatique, mais bien, de prévenir ces phénomènes en faisant de l’agriculture un acteur majeur de la lutte contre celui-ci. La prochaine PAC devra privilégier les pratiques agricoles qui permettent de stocker davantage de carbone dans les sols, mieux gérer et protéger les ressources en eau, et de limiter les émissions de protoxyde d’azote (agriculture biologique, agriculture intégrée, agriculture de conservation, agroforesterie etc.) mais aussi faire évoluer les pratiques, afin de promouvoir des modes d’élevages alternatifs valorisant l’herbe, tout en réduisant les émissions de méthane. Il s’agira de favoriser la diversification des productions et d’encourager les pratiques agronomiques limitant les intrants chimiques. Plus généralement, la nouvelle PAC devra accompagner les agriculteurs dans cette transition vers un modèle durable de développement et économiquement viable. En tout état de cause, ces mesures sont urgentes et ne peuvent attendre sept années supplémentaires !
De la même manière, les nouvelles technologies appellent à une réforme en profondeur de notre système agricole, si nous voulons continuer à jouer dans la cour des grands leaders agricoles à l’échelle planétaire. Les technologies innovantes (agriculture de précision, robotisation, satellite…) sont une vraie révolution qui doivent être développées et leur accès démocratisé. À titre d’exemple, seuls 20 000 agriculteurs français ont recours aujourd’hui à des services issus de l’imagerie satellitaire européenne.
Dans le contexte de mondialisation, et au moment où des États-continents comme la Chine ou le Brésil, augmentent leur budget en matière de politique agricole et alimentaire, il serait inconséquent qu’à l’échelle de l’Union nous le diminuions. Il est urgent que l’Europe mette en place une nouvelle PAC avec un vrai plan stratégique de souveraineté et de sécurité alimentaire et qu’elle cesse de sacrifier son agriculture sur l’autel du libre-échangisme. La concurrence déloyale et le cumul des concessions agricoles accordées dans les négociations commerciales (Mercosur, Mexique, CETA, etc.) menacent des pans entiers de l’agriculture européenne, et avec eux, nombre de nos territoires.
N’en déplaise aux partisans du « toujours plus d’OMC », notre sécurité alimentaire passe par une relocalisation de de nos activités agricoles. Cela suppose, que l’UE cesse sa course effrénée aux accords de libre-échange, et contribue à relancer un nouvel ordre multilatéral basé sur la coopération entre politiques agricoles stabilisatrices et durables, afin d’assurer une meilleure stabilité des revenus. C’est d’abord et avant tout ce que nous demandent nos agriculteurs.
En demandant le report des discussions sur la prochaine PAC à après 2025, la droite a décidé de tuer la réforme de la politique agricole commune dans l’œuf. Pourtant, la PAC actuelle ne satisfait ni les agriculteurs, ni les organisations environnementales, ni les consommateurs-contribuables ! A l’instar du projet européen, la Politique agricole commune peut et doit être réformée. Elle a besoin qu’on lui redonne des couleurs et aussi une perspective d’avenir sur le long terme. À juste titre, le citoyen demande de lier davantage la PAC à l’alimentation, à la santé humaine, à la lutte contre le changement climatique, à la protection de notre environnement et à l’économie des territoires et à l’emploi. À nous d’en tenir compte et d’associer les agriculteurs à cette réforme, afin qu’ils reprennent la place qui est la leur, au cœur de la société, au cœur du projet européen.
L’agriculture européenne nécessite une approche audacieuse et novatrice ! C’est d’une révolution de notre politique agricole dont nous avons besoin, et ce dès à présent, et non d’un statu quo jusqu’en 2025 au profit de quelques-uns.
Signataires :
Eric Andrieu, porte-parole du Groupe S&D pour l’Agriculture et le développement rural, France ;
Clara Aguilera Garcia, S&D, Epagne ;
Nicola Caputo, S&D, Italie ;
Vasilica Viorica Dancila, S&D, Roumanie ;
Jean-Paul Denanot, S&D, France ;
Karin Kadenbach, S&D, Autriche ;
Momchil Nekov, S&D, Belgique ;
Maria Noichl, S&D, Allemagne ;
Tibor Szanyi, S&D, Hongrie ;
Marc Tarabella, S&D, Belgique.
Source : Médiapart