Les 5 et 6 décembre, l’Union européenne bannira-t-elle ces perturbateurs endocriniens utilisés depuis 1965 ? Le vote est loin d’être acquis.
Tribune. Ils provoquent une baisse du QI chez les enfants, sont à la source de pertes de mémoire et du développement de l’autisme, ils sont également des perturbateurs des hormones thyroïdiennes avérés à l’origine de nombreux cancers du sein, du poumon, ou de la stérilité masculine. Pourtant ils sont tous les jours dans vos assiettes : les chlorpyrifos sont un véritable fléau.
Ces insecticides sont omniprésents dans notre quotidien. Initialement utilisés pour tuer chenilles et pucerons, ils finissent dans notre nourriture via les résidus de ces substances chimiques retrouvés dans de nombreux fruits et légumes de notre alimentation.
En 2016, l’Agence européenne de sécurité alimentaire a trouvé des chlorpyrifos dans presque 6 % de la nourriture européenne testée, ce qui en fait les perturbateurs endocriniens les plus présents dans la nourriture. Les conclusions scientifiques sur les effets désastreux pour la santé humaine sont accablantes. Et pour cause, elles sont basées sur de longues années d’études, ce produit étant utilisé depuis 1965…
Mais cinquante-cinq ans plus tard, certains Etats hésitent encore à en interdire l’usage. Certains le font déjà, ils sont à peine huit en Europe : l’Allemagne, le Danemark, la Finlande, l’Irlande, la Lettonie, la Lituanie, la Slovénie et la Suède. D’autres, comme la France, en autorisent l’usage sur certains légumes. Mais une majorité de pays l’utilisent sans limite, et ce au mépris des alertes scientifiques et sanitaires…
Cependant, les conséquences de cette permissivité, doublée de l’incapacité des Etats membres à s’entendre sur la question, sont claires et sans détour : tous les Européens, d’où qu’ils viennent, sont les victimes quotidiennes de ces insecticides. Sur un marché européen sans frontière, les chlorpyrifos sont à l’origine d’énormes dégâts sur la santé en passant d’un pays à un autre, au gré des exportations des uns et des importations des autres.
Il est donc largement temps d’agir. Le moment clé sera les 5 et 6 décembre. C’est lors de ces deux jours que sera décidé à Bruxelles le renouvellement (ou non) de l’autorisation d’utilisation des chlorpyrifos (éthyl et méthyl). Interdire un produit avéré toxique et dangereux pour la santé des citoyens, qui plus est une substance ingérée par chacun d’entre nous à son insu, devrait être la seule réponse logique.
Pourtant, le vote est encore loin d’être acquis. Les lobbies des grandes entreprises pétrochimiques font pression sur les Etats membres afin qu’ils prolongent encore l’autorisation d’utilisation ; et tous les moyens sont bons pour arriver à leurs fins. En 2018, par exemple, lors de la dernière autorisation européenne, des centaines d’études indépendantes démontrant les effets dévastateurs de la substance sur le développement cérébral ont été ignorées. Au contraire, l’approbation a été fondée sur une seule étude qui avait été commissionnée par l’industrie.
On imagine sans peine les larges bénéfices d’une prolongation pour ces entreprises, leurs actionnaires et leurs alliés, et ce au total mépris de la santé des citoyens !
Ces 5 et 6 décembre, il sera du devoir des ministres européens de l’Agriculture de faire le bon choix, celui de refuser le renouvellement d’autorisation de ces produits. La France doit faire partie des pays qui l’interdiront et doit rendre sa position publique. C’est une occasion pour notre pays de montrer son leadership sur les questions de santé environnementale au niveau européen et de prouver aux citoyens que l’Europe peut les protéger, qu’elle peut défendre leurs droits face à l’avidité morbide de quelques multinationales.
J’en appelle donc au ministre de l’Agriculture français, mais aussi à tous les autres, afin qu’il prône l’intérêt général, il en va de la santé de 500 millions de citoyens et de celle des générations à venir.
Éric Andrieu Député socialiste au Parlement européen
Source : Libération