Par la voix du Premier ministre Jean Castex, la France a annoncé s’opposer, « en l’état », à l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur expliquant sa position par la déforestation qui « met en péril la biodiversité et dérègle le climat ».
Les eurodéputés de la délégation de la gauche sociale et écologique accueillent cette prise de position avec intérêt, mais restent particulièrement vigilants car, en même temps, la France dit rester ouverte à un accord, le subordonnant à trois exigences politiques : empêcher la déforestation importée, rendre juridiquement contraignant l’accord de Paris et enfin augmenter la fréquence des contrôles douaniers et la qualité de la traçabilité.
L’idée est séduisante de prime abord ; ces exigences sont bienvenues mais hélas insuffisantes. Elles ne modifient pas le principe de l’accord, arrêté il y a plus de vingt ans – une éternité !
Car quand bien même ces engagements seraient pris, qui peut croire une seule seconde dans la parole de M. Bolsonaro au Brésil, alors que la déforestation ravage l’Amazonie ? Comment l’importation de viande de bœuf d’Amérique du Sud peut-elle être compatible de quelque façon que ce soit avec l’accord de Paris ? Quelle peut bien être la plus-value environnementale de cet accord ? Comment s’assurer de celle-ci lorsque les dispositions relatives au développement durable ne sont pas sanctionnées ? C’est un contresens et une absurdité.
Pour Raphaël Glucksmann, membre de la commission du Commerce international, « ces accords commerciaux sont périmés et ne correspondent plus à notre époque, faite de circuits courts, de qualité, de protection de l’environnement et des droits humains. »
Il faut revenir aux faits : les chiffres sont accablants et la menace que fait peser cet accord sur la transition de nos systèmes agricoles et industriels est réelle : explosion des quotas d’importation de bœuf et d’éthanol, levée des droits de douane sur les pesticides. D’ailleurs, le 18 septembre dernier, nous avons appris qu’avec le Canada, dans le cadre du CETA, des défaillances dans le contrôle des importations en Europe avaient amené du bœuf aux hormones dans nos assiettes. Comment croire en la promesse d’augmenter la fréquence des contrôles douaniers, quand on sait qu’aujourd’hui aucun test n’est effectué sur les importations de soja résistant au glyphosate pour en mesurer la présence de résidus de pesticides ?
Et Eric Andrieu, membre de la commission de l’Agriculture, de conclure : « Faire venir du bout du monde ce que nous avons déjà chez nous est insensé ! La production européenne subit déjà une grave crise de surproduction. On ne peut pas, d’un côté, promouvoir une agriculture durable et, dans le même temps, faire venir sa viande de l’autre bout de la planète, en favorisant un modèle agricole intensif responsable de 80 % de la destruction de la forêt amazonienne ».