Plus de huit cent noms viennent de s’ajouter à la liste des migrants disparus en mer. Aujourd’hui, le monde déplore à nouveau les naufrages en Méditerranée. Ces répétitions sont là parce qu’un nombre croissant d’hommes et de femmes, en proie chez eux aux conflits et aux drames, sont prêts à confier leur vie à des passeurs sans scrupule pour rejoindre les côtes européennes.
Aujourd’hui, encore et toujours, c’est l’Europe qui est pointée du doigt et sommée de trouver des solutions. Si l’Europe peut et doit mieux faire, c’est aussi aux États membres d’assumer leurs responsabilités et de sortir de la logique trop souvent privilégiée du chacun pour soi, chacun chez soi.
Personne ne dit que la tâche sera aisée, mais des solutions concrètes existent. Elles sont d’ailleurs sur la table des discussions depuis des années.
Qu’il s’agisse de mesures opérationnelles, législatives ou financières, les outils européens existent, mais c’est le manque de volonté, de coordination et de solidarité qui fait actuellement cruellement défaut. Face à l’échec des politiques jusqu’ici menées, il est temps pour l’Europe d’aborder les questions liées à la migration selon une approche globale intégrant entre autres :
– La mise en place d’un mécanisme efficace de sauvetage en mer
La surveillance des frontières extérieures de l’Union européenne et la lutte contre les réseaux de passeurs sont évidemment nécessaires, mais ne peuvent pas devenir l’Alpha et l’Omega de la politique migratoire européenne. Les récentes tragédies le démontrent clairement, aucun dispositif de contrôle n’empêchera les gens de fuir. Ceci plaide pour un vaste programme européen de sauvetage en mer, une opération d’envergure réellement européenne. L’opération Mare Nostrum menée par l’Italie et qui a été efficace en matière de sauvetage coûtait 9 millions d’euros par mois ; l’opération Triton, menée par l’ensemble des Européens, coûte 3 millions d’euros, mais a vocation à protéger les frontières et non pas de mener des opérations de sauvetage. Ayons en tête que l’Union européenne s’apprête à dépenser plus d’un milliard d’euros pour des « frontières intelligentes » permettant à une élite mondialisée d’aller et venir dans l’Union européenne ; un budget à la hauteur est donc possible et nécessaire pour sauver des vies.
– La création ou le renforcement d’alternatives/de voies légales permettant aux personnes ayant besoin de protection de rejoindre l’Europe
Comme c’est le cas pour la réinstallation, les admissions à titre humanitaire, les visas ou bien encore le regroupement familial, ces voies légales existent, mais elles sont encore trop peu mises en œuvre par les États. C’est pourtant une obligation qui leur incombe : les femmes et les hommes fuyant des conflits doivent pouvoir rejoindre de façon sûre l’Union européenne pour y exercer leur droit à la protection internationale. Au lieu de cela, ces victimes dans leur pays doivent risquer leur vie pour faire valoir leurs droits ; c’est là encore inadmissible.
– L’application d’un mécanisme effectif de solidarité intra-européenne pour réduire la pression migratoire dans certains États
L’Europe, dans son ensemble, est capable de gérer ces arrivées et d’accueillir ces migrants. Que cela passe par l’activation de la directive « protection temporaire » de 2001 – jamais mise en œuvre jusqu’à présent ! – ou d’autres dispositifs de répartition, l’Union européenne et ses États membres doivent trouver ensemble les moyens d’accueillir ces migrants de manière digne.
– Une coopération renforcée avec les pays tiers selon des termes clairement définis, incluant en particulier le respect des obligations en matière de droits de l’Homme
Dans certaines capitales, on regrette à voix basse le temps des dictatures et de Kadhafi, d’avant les printemps arabes. C’est pourtant tout le contraire : c’est faute d’accompagnement que le chaos s’impose ici ou là, notamment en fonction de la progression de Daech, contre lequel nous devons nous engager dans une lutte sans merci.
– Une lutte renforcée contre les trafiquants qui profitent des situations de détresse pour faire prospérer leur business macabre et dont les « agences » ont pignon sur rue
Ces tragédies à répétition ne doivent pas nous laisser tomber dans l’hébétude qui dérive vers l’habitude. Quel que soit le format que cela prendra, sommet européen, conférence internationale ou autre réunion de dirigeants, il est urgent que l’Union européenne et ses États membres agissent collectivement afin d’établir une politique migratoire réellement européenne, solidaire et responsable, et qu’elle s’en donne les moyens financiers !
Signataires: Eric Andrieu, Guillaume Balas, Pervenche Berès, Jean-Paul Denanot, Sylvie Guillaume, Louis-Joseph Manscour, Edouard Martin, Emmanuel Maurel, Gilles Pargneaux, Christine Revault d’Allonnes Bonnefoy, Virginie Rozière, Isabelle Thomas, Vincent Peillon.
Retrouvez ici le communiqué de la DSF suite à la tenue du Conseil Européen sur la crise des migrants.